Le Printemps, partenaire engagé
Le Printemps, partenaire de PWN Paris, a lancé le 12 mars dernier son nouveau site Internet http://Printemps.com, savant mélange de e-commerce et de contenu éditorial engagé. Karen Vernet qui a pris la direction du développement e-commerce http://Printemps.com il y a deux ans au sein du groupe, tout en conservant son poste de direction de la mode pour le Printemps de l’Homme, en est l’architecte. Elle vient de recevoir le prix Margaret « intrapreneuse » 2020 qui récompense « les femmes qui changent le monde par la créativité, l’innovation et l’audace, selon les termes de Delphine Rémy-Boutang, PDG de la journée de la femme digitale, organisatrice de l’événement. Avec Maryse Dartois, conseil en développement international, elles reviennent sur ce projet dont le lancement a eu lieu 5 jours avant le confinement.
Pouvez-vous nous raconter la genèse du site http://Printemps.com ?
Karen Vernet : C’est un défi qui ressemble à celui que j’ai connu avec le Printemps de l’homme puisque je suis partie d’une feuille blanche. C’est la seconde fois au sein d’une grande entreprise que j’ai la chance d’avoir un projet d’entreprenariat de ce type. Évidemment je disposais d’une équipe digitale sur laquelle m’appuyer pour le BackOffice mais le concept, la manière d’aborder le sujet, et son exécution ont été lancés « from scratch » !
Nous avions envie d’écrire quelque chose de différent sur la mode et le luxe en se basant sur des études de marché bien sûr mais aussi sur quelque chose de plus émotionnel. Nous voulions lutter contre les stéréotypes qui caractérisent le luxe d’avant, très ostentatoire et prétentieux. La rue a repris le dessus et nous dit désormais comment nous inspirer pour nous habiller. Le regard des millenials- une des communautés à laquelle nous nous adressons- et leur manière d’aborder le monde en général a, lui aussi, beaucoup changé. Il y a un gap de mentalité énorme autour de la façon de concevoir le monde et la place qu’occupe l’écologie. Les jeunes générations ont des positions très revendicatrices tout en étant beaucoup plus intégratrices et respectueuses des différences. Avec les réseaux sociaux, elles ont pris un poids énorme et se réassurent par le besoin de communauté et d’individualisation. On ne peut plus leur appliquer les méthodes marketing d’avant. Il fallait tenir compte de ces changements tout en continuant à nous adresser à des communautés extrêmement variées.
Comment avez-vous procédé ?
Karen Vernet : Nous avons décidé de solliciter des mannequins d’âge et de morphologie différentes. De diffuser des photos plus proches de ce qu’est la société aussi. Nous avons permis aussi à nos clientes d’accéder à un plus grand choix de tailles, ce n’existait pas dans le secteur du luxe créateur : j’ai vu des femmes qui avaient les moyens de s’acheter certains vêtements renoncer car les tailles s’arrêtaient au 38. Or 50 % des femmes s’habillent en 40 ou 42 ou plus. C’était nier toute cette partie du marché. Nous avons donc travaillé avec les marques pour offrir des grilles de taille plus étendues. Avec la marque américaine « Universal standard » par exemple qui propose 11 tailles différentes pour un même vêtement. Ou avec la marque Ester Manas qui dessine des vêtements qui puissent habiller des personnes minces comme des personnes plus fortes.
Maryse Dartois : Il y a bien sûr les femmes PWN, qui n’ont pas toujours le temps ou l’envie d’aller dans un grand magasin, qui ont des jobs prenants et peu de temps, parfois aussi qui ne savent pas très bien comment assortir tel ou tel élément d’une tenue et sont contentes de trouver un site qui les conseille ou leur donne une idée -avec un personal stylist gratuit- et qui les livre vite… Une des grandes joies a apparemment été de constater qu’une des premières clientes du site http://Printemps.com a été une femme de 81 ans tombée amoureuse d'un total look Vivienne Westwood porté par un mannequin âgé ! Elle s’est reconnue dans ce modèle.
Karen Vernet : Dans nos choix forts, nous avons aussi décidé de travailler avec la start-up Facil’iti pour adapter notre site aux personnes souffrant d’un handicap. Aujourd’hui, 12 millions de Français sont atteint d’un handicap au sens large et ont besoin d’un accompagnement particulier pour accéder aux sites Internet. Ce partenariat nous a permis d’adapter Printemps.com en fonction du public qui le regarde. Nous voulons faire la différence sur la sincérité. Les marques ont besoin de venir sur un projet avec une vision, un angle fédérateur. Pour nous, c’est la même chose : il nous faut un angle, une façon de raconter qui soit différente. La concurrence est tellement forte dans la mode et le luxe qu’il faut aller au bout de ses convictions.
Aviez-vous une équipe importante pour ce projet ?
Karen Vernet : Pendant six mois nous avons travaillé avec une petite dizaine de personnes puis l’équipe s’est étoffée. Aujourd’hui nous sommes une trentaine de personnes à travailler sur http://Printemps.com avec le support d’autres compétences internes et externes. Par rapport à nos concurrents français et internationaux nous avons fait ce site avec beaucoup moins de ressources financières et humaines. Au tout début, je me suis appuyée sur une ou deux personnes de confiance avec qui j’avais déjà travaillé sur le retail, mais comme je débutais sur le digital, j’ai recruté des profils digitaux à l’extérieur. Les deux premiers mois ont été compliqués : j’ai lancé un appel d’offres auprès de plusieurs agences digitales mais je me suis rendue compte qu’elles n’arrivaient pas à se fondre dans le projet, à s’adresser à toutes nos communautés. Au bout de trois mois, je suis allée voir mon CEO et je lui ai dit que j’allais tout recommencer. J’avais 18 mois pour tout boucler !!!! J’ai finalement pris le problème en sens inverse en trouvant une agence talentueuse en éditorial et en contenu ; quelqu’un qui était proche des communautés que nous touchions. Grace à la collaboration avec Yann Weber, le directeur artistique et fondateur d’Antidote, nous avons rattrapé le temps perdu.
Vous travaillez depuis longtemps pour le Printemps mais c’est votre premier projet digital. Ça a été un vrai défi ?
Karen Vernet : Le digital est un secteur où je n’avais pas a priori de compétence particulière mais pour lequel je pouvais capitaliser sur ce que j'avais appris par le passé. La question du leadership m’intéresse énormément : une personne ne peut pas tout faire seule mais doit savoir s’entourer des personnes adéquates qui vont cadrer dans le projet. Bien sûr, j’ai dû acquérir des compétences au fil de l’eau comme quand j’ai pris la tête de la mode homme. Je suis allée à des conférences, j’ai rencontré des experts du digital pour me faire une vision propre. Je me suis aussi appuyée son mon expérience marketing ; c’est un socle indispensable pour commencer un projet.
Avez-vous connu des moments de découragement ?
Karen Vernet : Oui et heureusement, j’ai eu une ou deux personnes présentes pour moi quand je doutais. Je crois en une bonne étoile. Et quand je perdais le moral, je restais concentrée sur l’idée d’authenticité et de sincérité du projet.
Vous avez reçu le prix Margaret qui récompense les femmes qui innovent pour un monde meilleur. Qu’est-ce que ça vous inspire ?
Je suis touchée par ce Prix à titre professionnel et personnel. C’est la reconnaissance de notre travail et de la sincérité que nous y avons mise. En tout cas c’est une reconnaissance de notre volonté de faire bouger les choses. Ce prix est fantastique aussi pour toutes les équipes du Printemps et les équipes externes qui ont travaillé sur le projet : d’ailleurs je leur ai immédiatement dédié. On ne fait jamais rien seul. Je crois beaucoup à l’intelligence collective : elle est 10 fois plus puissante que la somme des forces individuelles prises en silos !
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