Rencontre avec Caroline Renoux, fondatrice du cabinet de recrutement Birdeo
Créé en 2010, Birdeo est le cabinet pionnier et leader de la recherche de talents pour les métiers à impact positif.
Pensez-vous être un leader, pensez-vous avoir du pouvoir ?
Un leader oui certainement parce que j’ai monté un projet et j’ai embarqué des collaborateurs, des partenaires, des clients, des candidats avec moi. Le pouvoir, je ne sais pas exactement ce que l’on met derrière, en tout cas je me suis mise en capacité de prendre en main ma vie professionnelle.
Votre histoire de vie a-t-elle eu un impact sur votre vie professionnelle ?
J’ai acquis très tôt une conscience écologique, je suis partie en Allemagne quand j’avais 16 ans. J’ai fait une école de commerce où il me manquait un "purpose". Lors de la crise économique en 2008, je plaçais des consultants dans les banques, notamment en Suisse. Du jour au lendemain, il y a eu un écroulement, on me demandait de licencier les gens dans tous les sens. Là, j’ai vu qu’il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas et que je ne pouvais pas continuer ainsi et cela m’a poussé à prendre mon indépendance. Je suis restée dans le business parce que j’aime cela mais sur des sujets qui ont plus de sens.
Votre éducation vous a-t-elle naturellement amenée à entreprendre ?
On me pose souvent la question : si je viens d’une famille d’entrepreneurs ou si ma famille m’a soutenue dans mon projet ? Mais non, ni l’un ni l’autre. Je me suis forgée seule. J’avais quand même fait une école de commerce où l’on parle d’entrepreneuriat ou de gestion d’entreprise.
Avez-vous repéré des atouts à être une femme dans votre vie professionnelle et dans votre parcours d’entrepreneur ?
Je suis chasseuse de tête dans le Développement Durable, ce sont des métiers où être une femme est assez classique. Je commence à voir presque l’inverse. J’accompagne beaucoup de clients à trouver leur Directeur du Développement Durable. Les entreprises ont un tel besoin de féminiser leur staff, qu’elles utilisent souvent cette fonction pour le faire. Être un homme, dans une fonction de Directeur Durable, c’est plus difficile et cela me pose question. A la fois, il est nécessaire de féminiser les Comités de Directions et les Comex, surtout lorsque l’on créer des fonctions et que l’on trouve de très bonnes candidatures féminines, mais c’est discriminant pour les hommes. Il n’y a pas de solution, la diversité est plus compliqué qu’au premier abord.
Être une femme est-il un atout ?
Cela dépend des interlocuteurs et de la façon dont on se sent. Vous me parliez de leadership et de pouvoir, c’est quelque chose que j’ai appris à assumer dans le dur. Quand je ne l’assumais pas, je me suis faite malmenée par des salariés, cela a été des moments douloureux. Il faut assumer le leadership. J’ai l’impression que les plus jeunes femmes l’assument plus facilement.
Comment êtes-vous venue à la RSE ?
C’était il y a 25 ans, on commençait à peine à parler de l’entreprise citoyenne. Il n’y avait pas vraiment de postes, à part en ONG, ce qui ne m'attirait pas tout à fait. Et puis, en 2007, on a commencé à en parler avec le Grenelle de l’Environnement notamment.
Avez-vous une thématique RSE qui vous tient particulièrement à cœur ?
Je m’intéresse aux signaux faibles. Par exemple, quelles catégories de postes vont émerger et quels candidats je peux mettre en face ? Le climat c’est déjà maintsream, chez Birdeo, nous nous intéressons aux postes qui sont en train de se créer dans les Directions Financières. Aujourd’hui, il est important de savoir comment inclure la RSE dans un compte de résultats. Nous nous intéressons également aux postes sur la biodiversité ou sur les qualités à avoir dans une entreprise à mission.
Pour répondre à votre question, Il y a une vraie problématique de changement climatique. Si le climat est totalement déréglé, nous aurons beau faire toute l’inclusion que nous voulons, la terre ne sera plus tellement habitable. Depuis deux ans, beaucoup de choses ont changé, comme le fait qu’une entreprise doit agir elle aussi, sur le réchauffement climatique. On commence à parler d’inclusion, c’est un sujet à part entière qui a peu été pris en compte. Parler d’inclusion, c’est voir l’écart entre les riches et les pauvres qui se creuse et anticiper les révolutions dans certains pays que cela pourrait engendrer. En France, nous entendons que l’ascenseur social ne fonctionne plus. Quand on me demande, si je prends en compte l’inclusion et la diversité chez Birdeo, il y a tout une partie que je ne peux pas faire. Quelqu’un qui est Directeur du Développement Durable, c’est forcément quelqu’un qui a déjà un certain niveau d’éducation, une expérience. J'observe qu’au mois de septembre, il y a beaucoup d’étudiants qui cherchent des alternances en Développement Durable et qui appellent désespérément, leurs noms ont une consonance étrangère. C’est justement à ce moment là où il faut démarrer l’inclusion. Ce n’est pas une fois que l’on a dix ans d’expérience.
Un autre sujet aberrant, c’est le nombre d’entreprises très fières de dire qu’elles ont des jeunes dans leur staff. J’ai des clients qui me disent « je cherche quelqu’un mais pas au-dessus de 40-45 ans ». Or, nous devons travailler jusqu’à 65 ans, comment va-t-on faire ? Être un cadre de 50 ans aujourd’hui, c’est être discriminé, mais ça ne se dit pas…
La RSE est-elle synonyme de profitabilité ? Quel est votre discours par rapport à vos clients ?
La RSE peut être synonyme de profitabilité mais si c’est quelque chose que l’on met juste à côté de son business, non, cela ne sera pas profitable. C’est une question de mesures et d’indicateurs. Je vous parlais des directions financières ; si dans le prix d’un produit alimentaire, on commençait à prendre en compte la façon dont on produit, si on va dégrader le sol par exemple, cela a un coût et si l’on mesure ce coût dans le résultat financier, on considère alors le vrai prix des choses. Un Tee-Shirt à 2 euros, c’est un non-sens, parce qu’il consomme de l’eau, du transport, parce qu’il y a probablement des gens qui esclavagise le personnel qui le produit. Beaucoup d’entreprises ont pris conscience de cela et sont en train de transformer leur chaine de valeur pour s’adapter. Aujourd’hui, la finance regarde les critères financiers mais aussi les critères extra financiers. Les compagnies pétrolières se font challenger par leurs actionnaires pour calculer le vrai prix. La RSE c’est recalculer le profit comme il faut.
Chez vos clients, qui est en charge de la RSE ? Avez-vous vu un changement de responsabilité ?
Les premières directions RSE datent du début des années 2000 dans les grandes entreprises puisqu’elles devaient faire un rapport Développement Durable. Puis les choses ont évolué, ce sont des postes qui sont devenus de plus en plus stratégiques, on trouve des personnes rattachées au Comex ou aux membres du Comex. Comme les grandes entreprises travaillent avec des grosses ETI, si les ETI veulent travailler avec ces grandes entreprises, elles ont besoin de montrer leurs actions RSE également. II y a donc eu des directions RSE qui ont été créées en leur sein. La société civile est aussi devenue beaucoup plus exigeante ces deux dernières années. Le monde financier aussi, nous voyons des ETI adossées à des fonds d’investissements qui se mettent aussi à la RSE. Dans les entreprises, il y a souvent une personne en charge de la RSE pour harmoniser, pour donner des guidelines etc… et en plus, des correspondants RSE, c'est-à-dire des personnes qui, sur la base du volontariat, ont décidé de prendre en charge la RSE en plus de leur fonction. La RSE s’infuse ainsi partout.
Avez-vous eu des leaders qui vous ont inspirés ? Si oui lesquels ?
De nombreux, des personnes très emblématiques : Anita Roddick, qui a créé Body Shop, une entreprise totalement responsable et qui cartonnait ; plus proche de moi, Elisabeth Laville qui a fondé Utopies il y a bientôt 30 ans. Je fais partie de réseaux d’entrepreneurs, c’est toujours très inspirant d’échanger avec des gens qui fond grandir. Depuis 10 ans, j’essaie vraiment de m’entourer d’entrepreneurs, de leaders, c’est très apprenant, c’est un métier assez difficile et qui s’apprend.
Comment avez-vous connu PWN ? Auriez-vous un conseil à donner aux femmes du réseau ? Quelle est votre implication ?
C’est un réseau que je connais depuis une quinzaine d’années, j’étais membre classique. Quand j’ai commencé à m’intéresser à l’entrepreneuriat, j’ai fait partie du Club Entrepreneurship, ce qui m'a permit de voir que c’était possible. C’est ainsi que j’ai entendu parler de l’ESSEC, j’ai fait une formation sur l’entrepreneuriat au féminin et de fil en aiguille, j’ai connu du monde. Je ne suis plus très impliquée au sein de PWN Paris car mon choix a été d’aller vers les réseaux RSE et Développement Durable, mais j’ai toujours gardé un vrai attachement à ce réseau. D’ailleurs, j’ai une de mes collaboratrices, Catherine Brennan, qui a été membre très active, que j’ai connu grâce au réseau. Elle fait un très beau parcours chez Birdeo et vient d’être nommée Directrice des Opérations, c’est une création de poste, je lui délègue énormément de pouvoir.
Êtes-vous confiante de l’évolution des entreprises par rapport à la RSE ? Plus spécifiquement, quand on voit l’éviction du PDG de Danone, que cela vous inspire-t-il?
Je pense qu’il ne faut pas tout mélanger. Je suis relativement confiante pour deux raisons. En 2019, il y a eu un point de bascule, on en entendait partout parler. Il y a eu les feux en Australie, le plastique, la loi Pact, la société civile s’est totalement emparée du sujet, le monde de la finance également. Il y a eu énormément de création de postes RSE. En 2020, il y a eu la crise sanitaire, on aurait pu penser que cela s’arrêterait un temps mais absolument pas. Les postes qui étaient prévus ont été créés. Je dirais même que cela a été renforcé, parce qu’à la fois la société civile est devenue encore plus exigeante et que l’on a pris conscience que cette crise est aussi venue par la destruction de la biodiversité. Nous avons pris conscience que nous sommes extrêmement dépendants de fournisseurs qui viennent de Chine et que nous ne sommes plus capables de produire localement. La lame de fond est là et elle ne partira pas. C’est le premier élément qui fait que je suis très positive.
Pour parler plus spécifiquement du cas d’Emmanuel Faber, Il avait la réputation d’être très solitaire dans ces décisions, très exigeant et parfois dur avec les autres. Ce sont ces qualités qui ont fait qu’il a réussi à transformer Danone en société à mission. Le « dictateur éclairé » en management, peut avoir du sens mais il a dû se faire un certain nombre d’ennemis et s’est fait évincer. Je suis convaincue que Danone ne va pas changer de stratégie. Il y aura toujours des actionnaires qui n’auront pas compris que le monde a changé et qui veulent faire du profit à court terme mais il y en aura de moins en moins. Si vous regardez ce qui se passe dans le monde de la finance, les critères extra-financiers, ils vont voir que Danone restaure l’environnement dans un certain nombre de projets, en recycle notamment. Je reste très positive quand je vois la lame de fond des entreprises qui prennent Danone en exemple et qui veulent devenir des sociétés à mission. Des petites et des grandes entreprises, c’est très positif.
Quel est votre point de vue sur les entreprises à mission ? Est-ce remettre du sens au sein des entreprises ?
Je ne pense pas que toutes les entreprises ont vocation à devenir des sociétés à mission. C’est extrêmement exigeant, plus dur que d’être une société classique donc toutes les entreprises ne vont pas le devenir mais il y en a de plus en plus qui ont envie et c’est positif. Et celles qui n’ont pas vocation à le devenir, ne pourront plus faire comme avant, c’est un mouvement vertueux. Il est illusoire de penser que toutes les entreprises ont une raison d’être comme une ONG.
Pourriez-vous partager une bonne évolution/pratique d’un de vos clients par exemple ?
Il y a de plus en plus de bonnes pratiques aujourd’hui. Pour parler du secteur de la mode, c’est un secteur qui à part quelques pure players pionniers, ne s’intéressait globalement pas à la RSE. On était dans la fast-fashion, plus on consomme, mieux c’est, moins c’est cher, mieux c’est. Avec un prix peu réaliste. Et puis, il y a eu le Fashion Pact en 2019 et on voit vraiment que le secteur est en train de se transformer. Ce qui est intéressant avec le secteur de la mode, c’est qu’il est extrêmement visible, il touche aussi les jeunes, c’est encore une lame de fond qui participe au reste.
Une question manque-t-elle à cette interview ?
Pour les femmes qui se posent la question d’entreprendre, je leur recommande de rencontrer des entrepreneurs, il y en a chez PWN. Commencer à tisser sa toile, rencontrer des rôles modèles, cela permet de se rendre compte que même si c’est difficile, c'est possible !
Merci à Caroline Renoux pour sa disponibilité et sa générosité.
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