Isabelle Rabier co-Initiatrice du Parental Act et Fondatrice de Jolimoi
Le 31 mai dernier, Isabelle Rabier recevait l'award THE ONE décerné par PWN Paris pour la création du collectif Parental Act qui vise à réduire les inégalités face à la parentalité. Découvrez son parcours, sa personnalité et son engagement.
The ONE : Oser un Nouvel Equilibre a été créé cette année pour mettre en lumière des initiatives sociétales remarquables d'entrepreneurs et dirigeants.
Quelle est la genèse du Parental Act ?
Le Parental Act a été lancé par un trio avec Céline Lazorthes (Leetchi Mangopay) et Thibault Lanthier (mondocteur.com), au-delà d'être entrepreneurs et d'avoir des convictions, notre point commun est notre appartenance à The Galion Project. J’y ai rencontré Thibault, Céline je la connaissais depuis longtemps nous étions dans le même incubateur HEC.
The Galion Project et le Gender Agreement
The Galion Project a été créé en 2015 par Jean-Baptiste Rudelle (co-fondateur de Criteo) et Agathe Wautier, il rassemble plus de 400 entrepreneurs à forte croissance autour d’une ambition commune : faire de la France et de l’Europe l’écosystème le plus attractif au monde pour les entrepreneurs.
Pour structurer l'écosystème, le réseau publie et partage des études, des livres blancs, des best practices. Nous avons travaillé sur le Gender Agreement, un outil pour aider les entrepreneurs de la Tech à instaurer un meilleur équilibre hommes/femmes dans leurs équipes.
Lors de l’élaboration du Gender Agreement, il y a eu un débat sur le congé paternité et le temps passé hors de l'entreprise qui est une inégalité entre les femmes et les hommes ainsi que l'organisation de l'entreprise avec la parentalité. Ce sujet n’a pas fait l'unanimité et n’a pas été intégré au rapport.
Le Parental Act
Ce sujet a été initié par une réflexion de Céline Lazorthes, nous sommes toutes les deux mamans. Fin 2019, début 2020, nous étions convaincues que ce temps pourrait créer plus d'égalité entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise. En sachant que la France était très en retard par rapport à d’autres pays européens, les pays du nord mais l’Espagne également.
C’est pourquoi nous avons lancé le Parental Act, en regroupant des entreprises qui s’engagent à rémunérer à 100% le congé du 2e parent pendant 1 mois. Ce congé fonctionne pour les couples homosexuels et les couples adoptants (11 jours auparavant). Il permet ainsi au papa de passer du temps auprès de son enfant, d’épauler la maman et comme le rapport de Boris Cyrulnik est venu le préciser à nouveau, il permet de créer le lien parent-enfant dès le premier âge ce qui influence la vie familiale et la vie sociale future.
Nous avons lancé le sujet avec Céline et Thibault et nous avons été rejoints par plus d'une centaine d'entreprises, des start-up, de la tech mais aussi d’autres secteurs. Le Parental Act a eu un bel écho à son lancement, puis la COVID est arrivée. Puis le rapport de Boris Cyrulnik a été rendu et le gouvernement a senti à travers notre mouvement que la jeune génération était prête à faire bouger les lignes. Cela a contribué au vote de l’allongement du congé du 2e parent. C’est une petite avancée, en comparaison, l’Espagne a rallongé le congé à 16 semaines.
Notre décision de défendre un mois de congé était stratégique, nous aurions pu défendre un délai plus long mais nous pensions qu’il valait mieux que le débat se porte sur un délai qui faisait consensus.
En termes de volume, les entreprises signataires du Parental Act représentent plusieurs milliers de salariés. Nous savons également que certaines entreprises ont mis en place ce congé ou comptent le faire pour l'ensemble de leurs salariés dans le monde. C’est une étape supplémentaire qui oblige l’entreprise à accompagner le changement auprès des managers et faire comprendre que c’est possible au sein de l’organisation.
Nous sommes aussi conscients que le privé ne doit pas non plus se substituer complètement à la loi et créer un déséquilibre par rapport au reste de la société, en revanche il peut montrer l’exemple par l’action.
Aujourd’hui quelle est la raison d'être du Parental Act ?
Sa raison d’être n’est plus, mais il reste encore le sujet d’imposer ce congé ou plutôt de le rendre culturellement normal au sein de l'entreprise et à le valoriser. La subrogation de salaire du congé 2e parent comme pour le congé maternité est aussi la différence par rapport à la loi. L’idée étant d’agir pour qu'avoir un enfant ne soit pas pénalisant.
Il y a d'autres mouvements intéressants qui ont été lancés comme le parental challenge qui adresse d'autres pratiques notamment pour la conception, l’adoption ou les fausses couches. Nous y avons adhéré dans mon entreprise pour aller encore plus loin dans l'accompagnement de la parentalité. Il répond à la question de comment faciliter la vie du salarié autour des temps forts de sa vie. C’est toujours la même logique de créer plus d'égalité entre les femmes et les hommes.
Comment avez-vous été en relation avec le gouvernement ?
A travers Cédric O mais plus exactement, le gouvernement Macron est très proche de l'écosystème d'entrepreneurs à travers les mouvements France Digital, the Galion Project qui créent un accès direct et prête une oreille attentive.
Toutes les actions comptent, le Parental Act a été le dernier coup de pouce à la suite des associations militant pour cet allongement.
L’écosystème de la Tech est très puissant aujourd'hui, il a vocation à transformer la société, à la rendre plus inclusive. On reproche parfois à la French Tech d'être hors norme mais il faut comprendre que ce sont les PME et ETI de demain et qu’elle s’inscrit complètement dans la tradition française avec le digital en plus et le façonnage du monde de demain d’un point de vue sociétal et salarial.
Quelle entreprise est remarquable sur le sujet de la parentalité ?
Kering fait partie des grands groupes qui œuvrent à plusieurs niveaux à développer la RSE. Et dans la Tech, les entreprises adhérant à The Galion Project ont un socle de valeur et une ambition vis-à-vis de leur impact.
Que pensez-vous du rapport rendu par Boris Cyrulnik sur les 1000 premiers jours de la vie de l’enfant ?
Ce que je retiens c’est de monitorer quelles catégories sociaux-professionnelles prennent les congés et bien vérifier les inégalités possibles. Il y a également le régime des indépendants de manière générale, pour les mamans également. La prochaine étape sera de réfléchir et d’accompagner l’homogénéité des différents statuts d’indépendants qui sont aussi l’avenir du monde du travail.
Racontez-nous votre parcours et votre aventure entrepreneuriale aujourd’hui ?
J’ai un parcours classique et j'ai aussi eu la chance de partir vivre à l'étranger en Australie où j'ai passé mon bac. J'ai étudié à Londres et je suis rentrée à HEC. Partir à l’étranger m’a permis de développer des qualités d'adaptation, de pragmatisme et d’attention aux différents modèles. L’entrepreneuriat a été développé assez tôt dans les pays anglo-saxons avec une valorisation de l'échec. Cela fait plus de 11 ans maintenant que je suis entrepreneure, Jolimoi est ma seconde start-up. J’ai lancé ma première start-up en 2010 à la fin de mes études.
Jolimoi
C'est une start-up créée en 2017, basée sur la tech et l'humain, c'est la première plateforme de social selling. Très concrètement, nous révolutionnons tous les métiers du conseil et de la vente par les indépendants : la vente à domicile, la vente par ventes privées, la vente en réseau. Nous accompagnons et digitalisons ces métiers à travers une communauté de plus de 5000 femmes en France et en Belgique et nous les aidons à être performant, à atteindre une stabilité financière. Nous les sensibilisons également sur les questions d’égalité, de parentalité et nos valeurs permettent aussi d’attirer les talents.
Un événement fondateur vous a-t-il amené à créer Jolimoi ?
Jolimoi est clairement un bébé de ma première start-up puisque c’était une marque de beauté DNVB, j’avais développé mes formules, mes produits et ma communauté de conseillers vendeurs en mono marque seulement. Jolimoi est une autre entreprise avec d’autres associés et investisseurs et vient du constat que ce que j’étais en train de faire pour une marque, je pouvais le faire pour toutes les marques du marché en répondant aux besoins des indépendants de se professionnaliser, de travailler en multimarques, d’avoir les outils pour se développer. En parallèle, il y a eu l'explosion de nouveaux moyens de communication et des réseaux sociaux. Il y a 5 ans, nous avons créé un nouveau business modèle pour les marques, une solution alternative dans la vente de leur produit, nous avons créé une nouvelle solution pour tous ces indépendants et passionnés de beauté et de bien-être pour créer une activité à temps choisi. En 2 ans, la Covid a créé des changements macro avec le développement du télétravail, l’organisation du temps pro/perso, l’écologie, le local, …, ces changements nous ont inscrits encore plus vite dans le futur puisque nous étions déjà en avance de phase.
Quel est votre chiffre d'affaires et votre rentabilité aujourd'hui ?
L’année dernière, notre CA était de 5 Millions d’euros. Nous ne sommes pas encore rentables car nous investissons aujourd'hui dans la tech et la data. Hors investissement R&D nous le serions.
Nous avons une croissance de 300% sur Q1 2022. Nous venons de boucler une levée de fonds de 7 M d'euros notamment menée par Seventure Partners et plusieurs business angels comme Thierry Petit (ex Showroomprivé), Nathalie Balla (ex-La Redoute) et nos investisseurs historiques. La perspective est de structurer l’entreprise, l'équipe France, va plus que doubler nos effectifs d'ici la fin de l'année et asseoir notre position de leader sur le marché français et nous étendre dans d'autres pays européens.
Jolimoi est-elle une entreprise durable ?
Oui, l’idée est de disrupter le marché de la beauté en travaillant avec des marques responsables, inclusives, sans biais. En luttant contre le gaspillage en personnalisant la réponse au besoin du client sans surconsommation. Nous avons une démarche long terme qui consiste à façonner petit à petit l'industrie avec des labellisations clean beauty, une traçabilité de la blockchain autour des formules mais aussi du packaging et de la production. L'idée est de limiter notre impact carbone mais aussi d'aider le consommateur à y voir plus clair dans sa consommation. Nous jouons un rôle pédagogique et nous permettons à ceux qui le souhaitent d'avoir une activité indépendante quelque soit les profils, les parcours, les diplômes. Nous donnons un job a des milliers de personnes, une autonomie financière et cette possibilité de travailler depuis son portable permet de conserver une activité locale.
La rémunération des conseillères de vente n’est pas dépendante d’une marque ou d’un produit, il n’y a pas de challenge de vente dédié à une marque. La création de valeur est de mieux accompagner le client en lui vendant au plus près de son besoin pour aussi mieux le fidéliser.
Que vous inspire le numérique responsable ?
Nous y réfléchissons à travers l'éco design, la conception d’interfaces les moins énergivores possibles, la réflexion sur le stockage de la donnée, l'accessibilité pour les malvoyants, … Deux personnes aident ma réflexion c’est Ines Leonarduzzi et Grégory Pouy avec le podcast Vlan!.
En étant une plateforme logistique d’envoi de produits et en travaillant avec des partenaires, l’impact carbone est un enjeu et nous y sensibilisons nos partenaires. Nous sommes au début de la réflexion.
Quelles sont les valeurs et convictions qui vous guident et qui portent votre engagement professionnel au quotidien ?
J’ai 3 valeurs principales qui sont aussi chez Jolimoi c’est la joie, la franchise et l'audace.
Ma conviction est qu’il faut décloisonner que ce soit au niveau de l'industrie, des personnes avec lesquelles on travaille pour travailler à une égalité des chances. Chez Jolimoi, nous ne recrutons pas nos Stylistes Beauté sur le physique ou sur un diplôme car nous considérons que notre communauté doit être diverse et nous accompagnons chaque personne qui se donne les moyens de réussir.
Nous essayons de casser les codes et de changer la perception en montrant que l’on peut réussir sans être un standard de beauté ou d’éducation. Nous montrons tous les types de peaux, de femmes et nous sommes fiers de montrer cette diversité. Nous donnons aussi la possibilité à des nouvelles marques avec un positionnement parfois très novateur d’exister en ayant un rôle pédagogique auprès de la jeune génération. Ce qui m’anime c’est la liberté et l’égalité femmes hommes.
Quels sont les 3 réalisations dont vous êtes la plus fière ?
D’abord le Parental Act car quand le gouvernement s’est emparé du sujet, nous avons reçu énormément de témoignages de mères et de pères montrant l’impact réel de cette mesure.
La 2ème réalisation a été d’assurer le paiement de nos indépendants pendant la pandémie et l’osmose qui a eu lieu entre Jolimoi et notre communauté.
Nous avons aussi utilisé la plateforme logistique pour envoyer des milliers de produits de beauté aux hôpitaux mais aussi aux soignants indépendants qui ne bénéficient pas forcément de la coordination des Hôpitaux de France.
Le 3ème accomplissement c'est la façon dont nous créons notre entreprise. Être dans la co-création et travailler avec des personnes très diverses et d’arriver à créer des outils pour que tout le monde puisse s’épanouir.
Dans votre parcours professionnel, avez-vous ressenti des freins ? Comment les avez-vous surmontés ?
Je fais partie du collectif Sista, je connaissais les chiffres liés à l’entrepreneuriat féminin. Seuls 2% des investissements de ventures capitalistes dans le monde vont à des équipes 100% féminines. Cette fois, je l’ai vécu lors de notre levée de fonds.
Il y a beaucoup de biais inconscients côté investisseurs. La structuration des fonds est assez homogène. Nous y sommes arrivées mais cela a été difficile. Il est compliqué d’avoir un modèle très innovant unique en son genre parce qu’il faut convaincre et trouver les fonds qui croient en notre vision et en la next step. La particularité des fonds français par rapport à des fonds anglo-saxons est peut-être d’être moins risk taker.
J’ai trouvé que nous étions plus challengées en étant une équipe de 4 femmes associées. Nous sommes une des seules entreprises à avoir une femme comme CEO et comme CTO. J’ai compris que ce n’était pas forcément un atout en France notamment pour un projet qui est très tech et data.
La levée de fonds ce n’est pas facile et ce n’est facile pour personne et je constate qu’il faut encore une fois, être meilleure. Il faut le voir comme une motivation plutôt qu’un frein pour aller encore plus fort.
Quels sont les femmes et les hommes qui vous inspirent aujourd’hui ?
Il y a de grands entrepreneurs bien sûr mais ceux qui m'inspirent ce sont les femmes et les hommes qui font partie de notre communauté. La majorité sont des femmes, elles ont une force de caractère, elles se donnent les moyens de réussir, elles sont vraiment inspirantes.
Un conseil à donner aux femmes ?
Bien comprendre ses ressorts personnels, son pourquoi pour être alignée avec soi-même.
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